Résumé :
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L'addiction à l'alcool a des points communs avec les autres addictions courantes, en cela qu'elle pose à l'anesthésiste-réanimateur des problèmes préopératoires (non observance de l'arrêt de la substance), peropératoires (hypermétabolisme ou retard de réveil) et postopératoires (syndromes délirants, infections, etc.). Cependant, l'addiction à l'alcool s'en distingue sur deux points : son extrême fréquence (près d'un homme hospitalisé sur quatre) et son retentissement démontré sur la mortalité et la morbidité périopératoire. L'intoxication éthylique chronique se traduit par des altérations touchant de nombreux appareils. Les conséquences neurologiques sont principalement la polynévrite et l'encéphalopathie de Gayet-Wernicke par carence en thiamine. Le retentissement hépatique peut être mineur (stéatose) ou sévère (hépatite alcoolique aiguë), aboutissant à la cirrhose hépatique au pronostic péjoratif. Les effets cardiovasculaires sont sous-estimés. La cardiomyopathie alcoolique se traduit par une altération de la contractilité, à laquelle l'organisme répond par une hypersécrétion de catécholamines, à l'origine de troubles du rythme cardiaque et d'une majoration de l'incompétence myocardique. Le béribéri cardiaque est plus rare. Le retentissement nutritionnel explique une grande partie des complications neurologiques, cardiaques, infectieuses et musculaires. L'éthylisme expose notamment à la carence en vitamine B1 (thiamine) et en phosphore. Par conséquent, l'anesthésie du patient éthylique chronique nécessite une évaluation préopératoire soigneuse du retentissement de l'intoxication et la prescription rapide de supplémentation nutritionnelle. L'intoxication éthylique aiguë (IEA) est devenue un phénomène social majeur, notamment chez les adolescents. Sans spécificité, c'est la pathologie traumatique qui les confronte le plus souvent aux urgences hospitalières. Les anesthésies en urgence pratiquées dans un contexte d'IEA concernent volontiers des patients hypovolémiques, atteints d'hypocontractilité cardiaque et à l'estomac plein. Chez les jeunes, une prise en charge psychiatrique est indispensable avant la sortie de l'hôpital. Les complications surviennent essentiellement pendant la phase postopératoire, en partie en raison des carences en thiamine et phosphore. La survenue d'un syndrome de sevrage est fréquente et peut être mortelle, notamment en cas de delirium tremens. Le meilleur traitement des complications postopératoires est certainement préventif mais peut être insuffisant. Le traitement curatif peut justifier à lui seul une admission en réanimation. Les moyens pharmacologiques font appel aux carbamates, aux neuroleptiques, aux benzodiazépines ou à la clonidine. L'administration d'alcool est à proscrire en raison du risque d'hépatite alcoolique aiguë. La prise en charge des patients cirrhotiques n'est pas décrite dans cet article. (Source éditeur)
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